Un enfant de remplacement est né après le décès d'un frère ou d'une soeur, consciemment ou non pour combler un vide. Les parents compensent le deuil d'un enfant mort en bas âge par la naissance d'un autre, souvent porteur du même prénom.
La disparition d'un enfant en bas âge est une épreuve particulièrement douloureuse. L'enfant, mort en plein développement, reste investi de nombreuses espérances qui ne pourront se réaliser. Il est fortement idéalisé par ses parents, qui gardent de lui le souvenir d'un être parfait. L'enfant à naître remplit une mission difficile. Dans l'inconscient des parents, il est confondu avec l'enfant mort. Cette identification à l'enfant perdu, idéalisé, est source de comparaison et de compétition impossible à dépasser. L'enfant de remplacement doit faire lui-même le deuil de l'enfant perdu par ses parents, deuil que ceux-ci ne sont pas parvenus à élaborer. La littérature scientifique est abondante sur ce sujet.
Comment construire alors sa propre identité quand on vient au monde pour remplacer un disparu ? Comment peut-on grandir dans l'ombre d'un mort ?
Les troubles psychologiques repérés correspondent à des troubles structuraux liés à l'identité et aux identifications et liés à la culpabilité et à la dépression.
Ce que l’enfant ne peut exprimer en mots s’impriment en lui et s’expriment en maux.
Les troubles de l'identité vont du simple sentiment de n'être pas soi-même jusqu’à la confusion psychotique. L'enfant, conçu et élevé dans ces circonstances, est condamné à un non-être, puisqu'il n'a pas été conçu pour lui-même. Il risque d'éprouver des difficultés dans le domaine de l'identité de soi. La création offre parfois un moyen d'exister par soi-même, d'accéder à une originalité qui ne soit pas une copie. De nombreux personnages célèbres ont connu ce statut d'enfant de remplacement (V. Van Gogh, S. Dali, Beethoven, Stendhal, Françoise Dolto etc.). Certains ont exprimé leur difficulté à vivre dans l'ombre de l'enfant mort.
La culpabilité s'exprime selon deux modes : soit une attitude dépressive, avec sentiment de dévalorisation et d'échec, soit au contraire une attitude persécutoire avec l'impression que les autres vous accusent ou vous suspectent à propos de la mort de l'enfant précédent.
Plusieurs chercheurs ont relevé le fait qu'il n'existe pas de mot pour signifier la perte d'un enfant pour les parents - contrairement à la dénomination « veuf/ veuve » pour qualifier l'état de la personne qui perd une femme ou un mari, ou encore au mot « orphelin, orpheline » pour dénommer celui ou celle dont les parents sont morts, comme si, justement, aucun mot ne pouvait arriver à dire l'innommable d'un tel événement.
Camille Laurens, écrivaine, Philippe (récit consacré à la mort de son fils) :
« Peu importe l'âge auquel meurt un enfant: si le passé est court, demain est sans limites. Nous portons le deuil le plus noir, celui du possible. Tous les parents pleurent les mêmes larmes : ils ont des souvenirs d'avenir. »
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